Shahinaz

Shahinaz, 34 ans, Elle

Shahinaz est une Palestinienne transgenre fière de chaque parcelle de son identité. Elle est forte, autonome et chef cuisinière émérite. Reniée par sa famille, elle s’est forgé une place au soleil en travaillant dans un restaurant renommé, ce qui lui a permis enfin de réaliser un rêve: vivre seule dans un appartement, meublé confortablement et, surtout, avec une cuisine très bien équipée. Lentement mais sûrement, elle s’intègre à la vie de quartier et fait dorénavant partie de la communauté. L’épicier, le marchand ambulant, les voisins, tous la saluent aimablement en la croisant. Tous connaissent « sa vérité », dit-elle, et tous l’aiment pour qui elle est. Pendant un certain temps, elle croit avoir trouvé une lueur d’espoir au milieu des difficultés de sa vie.

Tout change le 4 août 2020.

Lorsqu’elle entend la première explosion, Shahinaz sort sur son balcon pour voir ce qui se passe. La voisine du dessus suggère un problème électrique et lui conseille de couper le courant pour éviter des dommages à ses appareils électroménagers. À peine arrivée au panneau électrique que la deuxième explosion retentit.

Shahinaz est instantanément projetée vers l’arrière. Étourdie, elle se relève, miraculeusement indemne, et retourne sur le balcon pour voir comment va sa voisine. Elle la trouve debout au même endroit, figée dans la même position, avec la moitié du visage déchirée et ensanglantée. Elle se précipite à l’étage, confectionne un bandage de fortune avec une serviette et l’accompagne sur plusieurs kilomètres jusqu’à l’hôpital le plus proche pour qu’elle y soit soignée.

Après s’être assurée de la sécurité de son amie, elle rebrousse chemin vers son quartier et réalise peu à peu que la communauté dans laquelle elle vit est maintenant brisée. Les visages bienveillants et les coins familiers ne seront plus sur sa route désormais. Parmi les gens du coin, plusieurs sont morts ou gravement blessés, et son appartement a été détruit. Tout semblant de confort ou de foyer lui a été enlevé. Elle est seule et doit tout recommencer.

Mais ce n’est que le début de ses problèmes.

Après avoir obtenu un logement temporaire avec l’aide d’une ONG, Shahinaz retourne dans son appartement détruit pour récupérer ses effets personnels, mais elle se rend vite compte qu’ils ont été volés. Après s’être renseignée, elle apprend que son propriétaire les a vendus. Confronté, ce dernier se moque d’elle et lui souhaite bonne chance de porter plainte en tant que Palestinienne et transgenre. Il sait qu’une plainte déposée par elle ne sera pas prise au sérieux et Il a raison. Shahinaz se sent vaincue et impuissante, laissée sans défense aux mains d’un système qui ne se soucie pas d’elle.

Elle réussit à trouver un autre appartement à louer, mais cache son identité au nouveau propriétaire grâce à la complicité de la sœur de ce dernier qui sert d’intermédiaire. Elle est heureuse d’avoir un toit, même sans meubles. Arriver à payer le loyer est un exploit en soi, avec la pandémie et la crise économique actuelle,

Lorsque Shahinaz parle de son métier, son regard s’allume et elle évoque avec fierté les différents restaurants réputés où elle a travaillé et les succulents plats qu’elle a cuisinés. Elle est persuadée d’avoir beaucoup plus d’expérience que tous les autres chefs qualifiés avec qui elle a travaillé et qui sont payés plusieurs fois son salaire, qui ne sont pas pénalisés comme elle à cause de son genre et de sa nationalité.

La double discrimination :
Lorsqu’elle demande de l’aide aux ONG, Shahinaz bute souvent contre un refus sous prétexte que les aides disponibles vont aux « familles » en premier et se fait froidement conseiller d’aller voir des organisations qui s’occupent « de gens comme elle ».
Ces mots ne la surprennent plus, mais la blessent toujours.
Elle se voit aussi refuser l’aide de la part du Haut-Commissariat des Réfugiés (HCR) car en tant que Palestinienne, elle a droit à l’aide de l’UNRWA, qui opère à l’intérieur des camps de réfugiés. Mais il lui est impossible d’entrer dans un camp palestinien sans risquer la mort. À chaque fois qu’elle essaie d’y accéder, elle se fait agresser et violenter. Elle a déjà survécu à trois tentatives d’assassinat.

Tout cela parce qu’elle est transgenre.

Lorsque nous avons demandé à Shahinaz comment nous pouvions l’aider, elle a simplement sollicité une assistance pour ses besoins les plus élémentaires : un four pour qu’elle puisse à nouveau cuisiner, un réfrigérateur pour que la nourriture tienne quelques jours, une machine à laver le linge pour préserver sa dignité. Elle a également besoin d’une aide pour payer ses frais médicaux.

Elle espère que les médias commencent à couvrir de manière positive la communauté LGBTIQ et contribuent à créer une culture d’acceptation dans la société. Elle s’interroge en retenant ses larmes : « Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas me laisser marcher dans la rue en paix ? C’est tout ce que je leur demande ».

Les besoins de Shahinaz

Six mois en frais de loyer, transports, nourriture, vêtements : 6 000 CAD
Meubles et appareils électroménagers : 5 000 CAD
Frais médicaux : 2 000 CAD
Total : 13 000 CAD