Moudi

Moudi, 38 ans, Elle

Grâce à Dieu

Moudi a dû quitter l’école à un très jeune âge. Son prof la battait, la punissait et la privait de récréation. Elle ne voulait plus aller à l’école, ses parents n’ont opposé aucune résistance. Tout cela parce que Moudi n’est pas un enfant comme les autres. Résultat : Moudi ne sait ni lire, ni écrire. Elle gribouille pour signer les documents qu’on lui présente. Elle aime dessiner., nous dit-elle. Grâce à Dieu.

Moudi rend grâce à Dieu continuellement. Abandonnée par sa famille à l’âge de 15 ans, insultée depuis dans la rue à cause de son apparence, tournée au ridicule pour sa fragilité et sa bonté, elle n’a plus rien. Elle a perdu tous ses meubles, et ses pièces d’indentification suite à l’explosion du port de Beyrouth. Blessée puis hospitalisée, dorénavant sans domicile, sans boulot et sans soutien, rien de va plus. Mais tout va bien aller assure-t-elle. Grâce à Dieu.

L’impossible retour

Moudi est fondamentalement altruiste et bienveillante. Elle a été abandonnée par ses parents à l’âge de 15 ans et elle considère toujours, plus de 20 ans plus tard, que c’est sa « faute », à cause de sa différence, de qui elle est. Avoir été comme « tout le monde », elle n’aurait pas déçu sa famille.
Depuis qu’elle a été répudiée par ses parents, avec l’interdiction de rentrer en contact avec tous les membres de la famille, Moudi appelle régulièrement un voisin de sa maison d’enfance, pour avoir de leurs nouvelles. Durant l’entrevue, lorsque nous lui avons demandé quand elle avait contacté cet aimable voisin, sa réponse était : « la semaine dernière. J’aimerai tellement qu’ils me parlent de nouveau, qu’on s’assoit à la même table. »

Moudi est une femme dans un corps d’homme. Elle s’habille en femme pour se sentir bien, pour être avec ses amies, mais jamais elle voudra subir une chirurgie ou prendre des hormones. « Lorsque je vais mourir, il n’y aura que mes parents pour s’occuper de moi. Il faudra qu’on puisse leur dire venez le chercher, il ne faut pas qu’on leur dise venez la chercher. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Je pense aux autres. »

L’éternel retour

Pendant plusieurs années, Moudi a fait le ménage et la cuisine chez une amie dont il partageait l’appartement en échange de sa part de loyer. Même si elle été chassée de la maison familiale à l’âge de 15, elle a eu le temps d’apprendre les secrets culinaires de sa mère et elle est fière de nous partager qu’elle prépare les meilleures feuilles de vigne farcies et un excellent mouloukieh.

C’est grâce à ce talent qu’elle est parvenue à décrocher un emploi dans un restaurant et gagner assez d’argent pour réaliser un rêve : habiter seule, être autonome et ne plus être redevable à personne.

Elle loue un appartement à Achrafieh et, au bout de 5 heureuses années, elle réussit à le meubler parfaitement à son goût et à s’y installer confortablement; lit, matelas, frigo, sofas et même un vase à fleurs, dans lequel elle aime mettre des roses et fumer le narguilé à côté. Tout y est, le bonheur, la paix et la sécurité, jusqu’à la date fatidique du 4 août 2020.

Le néant

Pour Moudi, le 4 août débute comme une journée de congé ordinaire. Elle se lève vers 10h du matin, fait du ménage, prépare à manger, ensuite plus rien. Le néant. Lorsqu’elle reprend connaissance, elle est dans la salle de réanimation d’un hôpital.Après 3 jours en réanimation suivis de 10 jours sous observation, Moudi quitte enfin l’hôpital pour retourner à son appartement. Elle y trouve le néant. Plus rien ne reste. Ni meubles, ni frigo, ni vase, ni roses, ni narguilé. Rien.
C’est le néant aussi devant les défis financiers et logistiques insurmontables. Un petit montant d’aide financière de la part de l’ONG MOSAIC lui permet de convaincre une amie de l’héberger temporairement avec elle, dans une petite ville au nord de Beyrouth. Elle y est encore. Elle paye maintenant son loyer en faisant la cuisine et des travaux ménager. Retour à la case départ.

Ce qui peut rendre la vie meilleure

Lorsqu’on demande à Moudi ce qui rendrait sa vie meilleure, elle répond sans hésiter :
« Que ma vie redevienne tel qu’elle était avant l’explosion. Avoir un emploi et un foyer à moi seule. Je rêve de trouver un boulot mais pour cela il faut commencer par habiter de nouveau en ville. Je suis prête à travailler fort pour avoir de quoi me payer un toit. Je veux vivre seule, avoir mon intimité. »

« J’aimerais aussi acheter des meubles et des vêtements, pour que je puisse de nouveau m’habiller. »

« Je sais que la vie est plus facile à l’étranger. Mais je sais aussi que je ne peux pas obtenir un visa si j’en demande un. Il me faudra une invitation mais je ne connais personne qui a assez d’argent pour le faire. »

« À l’étranger, on respecte les gens différents. Ici on se moque de moi. Quand je passe, je vois des gens cracher ou je les entends dire : regarde celui-là de quoi il a l’air. Si je me plains à la police, ils me répondent qu’ils ne peuvent rien faire. »

« À 15 ans, je me sentais « elle », pourtant j’étais « lui ». Je ne parle de cela à personne car je n’ai personne de confiance avec qui parler. Si je dis cela aux autres, ils vont profiter de moi. Merci de me laisser parler de cela. Cela me fait du bien. »

Les besoins de Moudi

6 mois en frais de loyer, transports, nourriture, vêtements: 6 000 CAD
Meubles et appareils électroménagers: 5 000 CAD
Total: 11 000 CAD

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