Andrea

Andrea, 24 ans, Il

Andrea a grandi dans un cocon d’amour, en symbiose avec sa mère, au deuxième étage d’une maison beyrouthine patrimoniale, avec vue imprenable sur le port de Beyrouth. De sa mère, Andrea dit: «Elle voit la beauté dans ce que je fais et la bonté qui est en moi. Non seulement elle m’offre son soutien inconditionnel pour vivre mon homosexualité de manière digne et fière, mais elle assiste avec enthousiasme à mes spectacles de drag dans les soirées gaies.»

La période entourant le 4 août 2020 en est une de couvre-feu et une énergie étrange flottait dans les airs depuis quelques jours, comme si quelque chose d’important devait arriver, se souvient Andrea. Ce soir-là, lui qui sort habituellement tous les soirs, il décide de rester à la maison, tandis que sa mère qui ne quitte jamais l’appartement est partie passer quelques jours chez sa sœur.

Seul dans sa chambre avec vue sur le port, Andréa se met devant la fenêtre, une bouteille d’eau à la main, pour voir le soleil se coucher dans la Méditerranée. Il n’a pas entendu d’explosion. Il se souvient d’une forte vibration qui l’a soulevé et suspendu dans les airs. Planant ainsi, le temps s’immobilise, Andrea réfléchit et se demande s’il est mort. Il réalise qu’il est encore en vie lorsqu’il se retrouve par terre, blessé de partout. Recouvert de sang, il descend dans la rue pour trouver du secours. Ce qu’il y trouve est une vision d’apocalypse: des corps mutilés, des cris, des autos renversées. Andréa se met en marche au prochain hôpital. Au premier hôpital, il comprend vite qu’il n’a aucune chance d’y trouver des soins. Il se dirige alors vers le deuxième. En route, souvent il tombe et s’évanouit pour ensuite se relever et continuer le chemin. Andréa parle d’une force spirituelle qui le guidait. Au troisième hôpital, il s’étend par terre dans l’entrée. Personne ne le voit car, dit-il, il n’était pas assez blessé. Son corps est entier alors que d’autres ont perdu une jambe ou un bras. Andréa perd beaucoup de sang et s’évanouit. Une équipe médicale agrafe ses blessures mais les veines explosent et il est impossible d’arrêter l’hémorragie. Appelé d’urgence, un chirurgien décide d’opérer sur-le-champ mais sans anesthésie. 140 points de suture, à vif. Pendant l’opération, dans la tête consciente d’Andréa, circulent les images de son quartier en flamme, de son appartement en ruine, de sa mère qui ne sait pas où il est et de tout son passé qui n’existe plus.

L’implication de sa communauté dans le nettoyage des rues et le déblayage des maisons lui fait réaliser avec peine son incapacité d’aider. Dès sa sortie de l’hôpital Andréa s’engage dans une association d’entraide pour les personnes LGBTIQ qui ont perdu leur foyer et qui ne sont pas acceptées dans leurs familles. Cette association étend aussi son aide aux employées de maison qui se sont retrouvées dans la rue, leurs employeurs ne pouvant plus les payer ou refusant de les aider. Pendant ce temps -là, la pandémie battait son plein. Les consignes sanitaires et la peur empêchent Andrea et sa mère de se réunir. Ayant trouvé un hébergement et ses blessures étant cicatrisées Andréa affronte le traumatisme de ce qu’il a vécu. Il sait qu’il a guéri physiquement car la douleur est partie. Il pense avoir guéri psychologiquement en s’investissant dans l’aide humanitaire, mais la peur, la rage, les douleurs sont toujours là.

La perte totale de la maison, les blessures et les souffrances d’Andréa, l’impuissance d’aider ou de changer les faits, font en sorte que la mère sombre dans la dépression, et tente d’en sortir en un mélange d’antidépresseurs et d’alcool.

Lorsque qu’on demande à Andrea ce dont il a besoin pour améliorer son quotidien, il répond sans hésiter dit qu’il peut vivre avec ses cicatrices et se débrouiller pour gagner sa vie, ce qu’il désire par-dessus tout, c’est ramener sa mère dans sa vie. Elle est actuellement en clinique privée pour traitement des dépendances et problèmes connexes, au coût approximatif de 1 500 USD par mois. Sans travail, sans foyer, sans accès aux économies dans un système bancaire failli, ils continuent à payer le loyer de l’appartement dévasté pour garder un droit de retour.

Dans l’appartement saccagé et abandonné par toutes les instances, assurances, associations, propriétaire et gouvernement compris, on trouve un arbre qui pousse sur le balcon. Parmi les débris, une perruque blonde et des talons hauts rappellent le glam d’un passé drag révolu .

Sur le mur de la chambre d’Andrea, ce graffiti prophétique écrit par un ami de passage, 2 ans avant l’explosion: «Every challenging experience is a learning opportunity.» (Tout défi est une occasion pour apprendre)

Les besoins d’Andrea

6 mois de frais de loyer, transports, nourriture, vêtements: 6 000 CAD
Meubles et appareils électroménagers: 5 000 CAD
Frais médicaux pour la mère: 5 000 CAD
Total: 16 000 CAD

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